Là où tout a commencé
En 2018, le service de la Culture de la ville de Namur lance un projet fou : inviter l’art sur les murs de la ville. Afin de dresser une carte des murs potentiels, un appel est passé auprès des propriétaires namurois via une plateforme participative et une vingtaine de Namurois·es répondent à cet appel. 5 ans plus tard, et quelques fresques en plus, la ville revient avec de nouveaux chefs-d’œuvre.
Lorsque le propriétaire de la rue Fumal se manifeste, un projet autour de la vie de Félicien Rops devient vite une évidence. Afin de correspondre à l’univers du célèbre namurois, tout en proposant une œuvre différente des autres, la ville se tourne alors vers Hell’o Collective. Connu pour leurs créations végétales, géométriques et colorées, Hell’o réalise des fresques partout en Europe. Et pour notre plus grand bonheur, l’une d’elles est maintenant à Namur.
Et mon petit doigt me dit qu’un secret vous est révélé en fin de chronique …
Ces photos sont issues de leurs compte Facebook : hellocollective : Les 3 premières photos, la 4e, la 5e
Une histoire se déroule rue Fumal
Pour comprendre la fresque qui se déploie sous nos yeux rue Fumal, il faut connaître le parcours de Félicien Rops. Réelle référence à la vie de cet artiste, Jérôme Meynen et Antoine Detaille n’ont pas seulement décoré un mur avec une composition tout en forme, en fleurs et en couleurs, ils ont rendu hommage à ce célèbre Namurois. Derrière chaque élément, un clin d’œil à Rops et sa vie sont astucieusement glissés.
Le squelette végétal, référence à l’œuvre emblématique de Rops Les Épaves (1866), est un de ces clins d’œil. Réalisé pour l’écrivain Charles Baudelaire, ce frontispice (illustration placée en regard de la page de titre d’un livre) est l’illustration du recueil des poèmes censurés des Fleurs du mal.
« Les frontispices qu’il réalisera durant toute sa carrière constitueront “la synthèse de sa pensée symbolique comme le frontispice est censé être la synthèse d’un livre”. »
Hélène Védrine, De l’encre dans l’acide, Paris, Honoré Champion, 2002, p.145
Une autre référence, plus discrète, se trouve sur les yeux d’une des femmes représentées qui n’est pas sans rappeler l’œuvre célèbre Pornocratie.
« La femme moderne piétine les arts anciens, figés dans la pierre. Elle se laisse guider [aveuglement] par ses instincts, symbolisés par le cochon. C’est donc un dessin qui représente une double profession de foi pour l’artiste : en art, un refus virulent pour l’académisme et dans la société, une dénonciation de l’hypocrisie bourgeoise qui cache une certaine liberté de mœurs. »
Si vous souhaitez mieux comprendre et découvrir par vous-mêmes ces références et d’autres encore, la fresque se situe à quelques pas du Musée Félicien Rops. Pourquoi ne pas coupler les deux afin d’apprécier à sa juste valeur cette œuvre murale ?
Hell'o Collective
Mais qui se cache derrière cette fresque ? Pour Cinqmille, Jérôme et Antoine ont accepté de répondre à quelques-unes de mes questions.
Pour ceux·elles qui ne les connaîtraient pas encore, Hell’o Collective est un duo de plasticiens bruxellois.
Nous nous sommes rencontrés dans la région de Mons où nous faisions nos études et avons choisi d’évoluer et de créer quelque chose de commun. D’abord sous forme de passe-temps, mais avec l’ambition, la motivation, l’énergie et un peu de talent, la sauce a prise et c’est devenu notre boulot à part entière. Nous équilibrons notre pratique entre expos dans les galeries et institutions et œuvres murales en Belgique et à travers le monde.
Inspirés par l’homme, la nature, le monde animal, la vie ou encore la mort, ces virtuoses du pinceau ont leur propre univers, et on les aime pour ça.
On s’inspire légèrement de mouvement artistique tel que le pop art ou en design le mouvement Memphis que nous remixons à notre convenance. On met toutes nos inspirations de manière subjective dans nos projets et il en résulte un univers assez reconnaissable.
Et oui, si vous ne le saviez pas encore, c’est au pinceau et non à la bombe que Hell’o Collective travaille.
On n’a jamais vraiment fait de peinture au spray. Un peu avant de monter le collectif, mais jamais comme un outil de prédilection. On est assez minutieux dans nos peintures. La bombe à un aspect moins léché que la peinture et c’est clairement moins noble. Et c’est horrible à utiliser et pas super pour la santé et l’environnement.
Lorsque Namur les a contactés, nos deux artistes ont relevé le défi avec joie.
Nous sommes contents comme à chaque fois qu’une ville nous commande une œuvre et nous offre toute sa confiance. C’est gratifiant et on essaie de ne jamais décevoir. Félicien Rops est un artiste assez dense dans ses œuvres et a un train de vie assez sulfureux. On a toujours comme mot d’ordre l’optimisme dans nos projets de fresques. L’espace urbain comme support, c’est donner accès à tout un chacun à notre travail. On part du principe qu’il y a déjà bien assez de tristesse dans les rues, on n’a pas envie d’en rajouter une couche. Du coup c’était un petit challenge vu l’univers de Rops, mais on a isolé des choses qui nous semblaient pertinentes et en adéquation avec notre travail.