Rencontre avec Romain PANTOUSTIER, artisan parfumeur au NEZ ZEN
Interview réalisée par Tatiana KWASNIEWSKI
Cinqmille : Romain Pantoustier vous êtes parfumeur, créateur. Quel est votre métier et quel est votre cheminement?
RP : Je suis parfumeur depuis plus de 15 ans avec un départ dans les multinationales du parfum. J’ai également une formation scientifique. Plus tard j’ai cherché à me rapprocher de la nature dans mes créations. Dans les multinationales il y a très peu de place pour l’artistique et on fait des « jus » plus vendeurs qu’artistiquement intéressants.
CM : Comment attirez-vous votre clientèle au milieu des multinationales très présentes à Namur.
R.P : L’approche de l’artisan-parfumeur est une approche très particulière et rare qui soutient des valeurs de partage des savoir-faire. Les clients sont attirés par ma vitrine, par les mots « artisan-parfumeur », par mon labo. Puis d’une discussion à une autre, j’essaie de mettre en flacon des souvenirs de voyage, de fleur ou d’enfance.
CM : La parfumerie est dans une dualité constante entre scientifique et
artistique, alors ?
RP : Totalement ! Pour moi, toute expression des sens est une forme d’art. Et le sens que j’ai voulu développer, c’est l’olfaction, mais je joins très couramment cela au toucher, par exemple, en travaillant certains parfums pour des céramistes. Je m’amuse également à faire des parfums utilisés dans la gastronomie avec des chefs. Je commence toujours la création d’un parfum par un écrit inspiré par un ressenti, une balade dans la nature ou une rencontre qui m’évoque une architecture parfumée avec cinq ou six ingrédients.
CM : Comment procédez-vous à la création de vos parfums ?
RP : J’ai deux approches. Soit du « sur-mesure », auquel cas, je me mets au service de quelqu’un. Je travaille avec mon nez pour construire dans ma tête la « carte olfactive » de cette personne et créer quelque chose qui lui correspond. Soit des inspirations qui me sont propres. Dans ce cas-ci, je ne cherche pas à faire un produit tendance ou vendeur. Ma dernière création s’appelle Niwa, « jardin » en japonais. J’ai eu envie d’inclure l’expression artistique de la nature. Un instantané de nature tel un jardin japonais dans un jus. J’ai cherché à équilibrer les différents éléments, tels que l’air, l’eau, la minéralité, le végétal, à travers des matières synonymes de tout cela. Pour la minéralité, j’ai travaillé le poivre de Sichuan, le tumulte, le poivre blanc d’Égypte. Pour l’eau, une distillation de la pastèque rend le côté aqueux. Pour le végétal, la distillation de l’écorce de chêne vert. En somme, une construction parfumée dans laquelle se mélange l’approche scientifique et l’approche artistique. Toute création est très personnelle. C’est à chaque fois une partie de moi que je vends.
CM : Vous avez obtenu le coup de cœur de La Vitrine de l’Artisan en 2019.
Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
RP : « La Vitrine de l’Artisan », c’est bien plus qu’un concours, c’est une mise en valeur de l’artisanat belge. La sélection se fait sur les valeurs de l’artisanat et sur l’expertise des différents métiers de la création. J’ai eu la chance d’être primé en 2019 et d’être membre du jury cette année. Parmi les dix lauréat.e.s qui vont participer à la finale, on compte deux Namurois : la conserverie artisanale Passion locale et les cosmétiques Wash Wash Cousin.
CM : Que trouve-t-on en poussant la porte de votre atelier?
RP : Une zone de stockage pour les matières que je travaille. À peu près 220 matières d’origine naturelle en bidons de 1 à 5 litres. J’ai également des zones où j’agite et fais macérer les parfums. Une table en verre, une balance analytique précise au milligramme… Un milligramme, c’est un dixième de goutte. En parfumerie, c’est comme en pâtisserie, il faut être très précis. Chaque goutte compte ! Je sertis et mets en bouteille sur place, également : sertissage à la main avec un flaconnage de Ittre et un étiquetage de Leuven.
CM : Vous soutenez donc les produits et services de proximité…
RP : En tant qu’artisan, c’est un non-sens de commander vos flacons sur Ali Baba ! L’artisanat défend certaines valeurs dont la proximité. Je m’y emploie dans toutes les étapes de production. La parfumerie, c’est une approche artistique mais ce sont aussi 300 pages de directives européennes et du SPF Santé à respecter. Vous devez garantir que vos produits ne sont pas nocifs pour la peau. Je travaille dans ce sens avec un laboratoire assermenté situé à Manage où des toxicologues testent et certifient mes formules.
CM : Vos produits sont également vegans, n’est-ce pas ?
RP : Dans très peu de temps, les parfums ne contiendront plus de matière d’origine animale. C’est déjà mon cas. J’accepte l’intervention de la synthèse pour ne pas avoir à travailler l’ambre gris, par exemple, qui est issu du cachalot, le castoréum issu du castor ou le musc issu du cerf et du bouquetin. Mes fournisseurs et moi-même, nous excluons totalement les tests sur les animaux dans nos pratiques.
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