Meskerem Mees
En 2020, présentée comme la révélation folk venue de Gand, j’avais bloqué dans mon agenda : aller apprécier l’univers de Meskerem Mees au Point Culture. Je ne sais plus trop bien comment je l’avais découverte sur les réseaux, mais je me rappelle avoir succombé instantanément, dès la première écoute de “Joe”. Le clip en noir et blanc semblait appartenir à autre temps et opérait mon recadrage dans l’essentiel, à une époque où on peut s’oublier dans le consumérisme ambiant.
Le confinement et l’annulation des concerts m'avaient fait louper bien des rendez-vous, et il m’est arrivé quelques fois l’année suivante de songer à celui-là, précisément, pleine de frustrations débordantes. Alors, quand je découvre sa venue sur Namur dans la programmation du Belvédère (Panama goes to), plus aucune résistance ne m’habite. Je contacte instantanément l’ami Quentin avec une proposition de virée pour un samedi soir imprégné d’une découverte délicieuse. J’avais déjà de bons indicateurs pour l’affirmer. L’artiste, déjà. Et puis, le lieu : La Nef !
Depuis ce premier rendez-vous manqué, deux albums sont nés. Paru en 2021, “Julius”est un flux de balades pour, comme Meskerem Mees le dit elle-même, “célébrer les dernières années sur la route et toutes les personnes charmantes rencontrées”. Puis, pour moi, l’incarnation d’une sorte de carré de chocolat fondant /caramel beurre salé à l’intérieur, “Caesar”, sorti en 2022.
Ce soir, elle est accompagnée, bien évidemment, de sa guitare acoustique, mais également de Frédérik Daelemans, son acolyte qui pince et frotte les cordes de son violoncelle.
C’est dans une totale cohérence, c’est-à-dire simplement, que ces deux artistes se présentent à nous : sweats à capuche, casquette, baskets. Ils prennent leurs instruments, et le voyage émotionnel débute directement. Nous sommes happés. C’est pur, beau, sans artifices. Quelques silences posés, beaux, eux aussi. Quelques riffs qui filent des réactions épidermiques. Puis, la voix chaude de cette conteuse qui semble venir délicatement nous soulever pour nous bercer dans les méandres de la nostalgie.
Si le code vestimentaire est décontracté, on remarque rapidement à son attitude que l’artiste l’est moins. Elle enchaîne les balades. Quelques phrases sont tentées par-ci par-là dans un français non assumé, teintées d’une gêne communicative, qui en devient néanmoins mignonne. L’interactivité avec le public naît petit à petit, en douceur… comme pour magnifier une totale cohérence. Même s’il peut paraître déstabilisant pour certains, cet état de bulle coexiste néanmoins harmonieusement avec sa voix chaude et douce, avec l’ambiance épurée et intimiste. Inévitablement, le lieu y contribue de par son effet de résonance, amplifiant la pureté. Le voyage est autant sonore que visuel.
Le temps a filé, rendant cette suspension de trop courte durée. Certains diront que c’était sur le même ton, sans assez d’écarts rythmiques. Mais, il est tellement bon de s’arrêter et savourer le subtil et ses nuances. Juste savourer.
En me remémorant ce soir-là, me viennent dans mes pensées les mots : poésie, caresse, murmure, délicatesse, chaleur… petits bonheurs.