Un peu de contexte
Le vendredi 2 juin prochain se déroulera le vernissage de l’exposition Montée de Sève — Autour de l’érotisme.
Cette exposition au thème explicite sera ouverte (sur rendez-vous) à tous·te·s du samedi 3 juin au samedi 10 juin de 9 h à 17 h au Hang’ART et se finira en beauté et en musique par un concert de Tony Rondelle, Birdstrike, Dani Cosmic et after avec DJ Duke et DJ Goujat, le dernier soir à 20 h.
Cet évènement fait partie du cycle d’expo-concert Murmur proposé par le Hang’ART. Ce cycle, c’est le désir des artistes résident·e·s du Hang’ART de proposer plus d'événements dans leurs locaux. Une formule simple : un thème, une exposition d’une dizaine de jours, des artistes partant·e·s et un concert pour clôturer l’évènement.
De fil en aiguille
C’est au détour d’un clic que l’évènement du Hang’ART apparaît sur l’écran de mon téléphone. Gaëlle, illustratrice à l’initiative de l’exposition, m’envoie une invitation pour un vernissage. Le thème de l’exposition m’intrigue : Montée de Sève — Autour de l’érotisme. Sacré thème qui ne me déplait pas, on ne va pas se mentir.
Je regarde la description et y repère quelques noms connus. Celui de Gilda évidemment, mais aussi de Charlotte et d’Ultra Vagues. Le reste, Bleu ma collage, Diego Nutricati, Lola Pesesse, Galia Ganga, Marine Bernard, Mélanie Mertens, Verres-tu… inconnu·e·s au bataillon. Mais je remarque que ce ne sont presque que des artistes féminines. Toutes ont l’air badass, toutes expriment leur univers avec leurs mots, toutes ont une identité forte et belle. Ça me plaît, on ne voit pas assez de femmes dans le milieu à mon goût.
Cinqmille me propose de couvrir le vernissage et j’accepte avec plaisir.
C’est suite à une conversation avec Gaëlle que se forme l’idée de rencontrer certaines de ces artistes avant le vernissage. Au-delà de les questionner sur la raison de leur présence à cette exposition, c’est aussi l’occasion parfaite de découvrir leur travail.
Et pourquoi pas, donner également l’envie aux gens de venir les découvrir lors du vernissage.
Interview de Gilda Fêlée
Gaëlle, de son nom d’artiste Gilda Fêlée, est la première à passer sous mon dictaphone de débutante. Avec patience et bienveillance, elle répond à mes questions et m’explique son désir de proposer cet évènement : « c’est un thème qui me tient à cœur. Je suis assez sensible aux questions féministes […] et le rapport au corps et à la sexualité est [encore] à déconstruire. Ce thème rentre en écho avec mon univers d’illustratrice. »
Étant entourée d’autres artistes féminines, c’est naturellement que Gaëlle leur a proposé cette thématique : « c’est intéressant de se questionner et d’avoir d’autre point de vue, principalement féminin. Nous sommes tellement confronté·e·s au male gaze dans notre quotidien que je souhaitais redonner une place au regard des femmes sur leur propre corps de manière poétique et originale.
Les femmes sont souvent oubliées dans le milieu de l’art, et pas que. Quand on sait que dans les années 80, comme l’ont dénoncé les Guerrilla Girls plus de 90 % des artistes exposés dans les musées étaient des hommes, mais que 85 % des corps nus représentés sont des corps féminins, ça pose question.
C’est notre manière à nous, à petite échelle, de rendre visible ces femmes artistes et de leur offrir un lieu où exposer. Et de proposer un regard différent sur le corps féminin, l’érotisme, la sexualité et ce qui l’entoure. »
Gaëlle m’explique un peu l’organisation du vernissage et me révèle quelques surprises prévues : « une artiste, Marie Saussus, viendra performer durant la soirée - autour du thème de la femme fontaine. Il y aura également un coin lecture avec des livres engagés, la présence d’Ultra Vagues qui nous proposera d’écouter leur podcast Xpériences et bien d’autres choses encore. »
Interview de Verres-tu
Stéphanie, connue sous le nom de Verres-tu, me raconte comment elle est « tombée » malgré elle dans cet univers qu’est le vitrail et me décrit avec passion sa vision : « lorsque j’ai commencé il y a 3 ans, je partais à l’aveuglette avec mon coupe-verre. Je n’avais aucune idée de l’univers dans lequel j’allais plonger (ni même si j’allais véritablement plonger), mais j’avais une certitude : cette matière devait ressurgir de mes souvenirs d’enfance (dans l’atelier familial) et, cette fois, de manière concrète, tangible !
Le verre devient alors prétexte à réflexion continuelle, explorations diverses et enfin à la réalisation de sujets tels que broches, mobiles, petits objets de déco… Je saisis progressivement son potentiel et ses contraintes et les pièces grandissent avec la pratique, dans les limites de la technique utilisée : le Tiffany.
Ma bibliothèque d’inspirations s’enrichit de modèles principalement féminins, sans doute en lien avec son omniprésence dans ma vie et mon amour pour Elle.s.
Ses courbes, sa douceur, son espièglerie sont autant d’incitations à sa représentation. Sa mise en lumière est devenue mon Évidence, mon obsession quotidienne.
Aujourd’hui, la Femme. Demain… ? J’aime cette matière, car de par ses couleurs et ses structures, elle est exploitable à l’infini et, aussitôt la lumière en son sein, elle m’émeut de plus belle. »
C’était donc une évidence pour elle de participer à cette exposition : « ce thème est tout simplement parfait ! J’adore représenter les corps, la douceur (pour compenser avec ce monde bien trop brut !), jouer avec l’imaginaire, amener une petite touche suggestive (mon plaisir coupable : plus c’est kitsch et cliché […] plus je kiffe !).
Mon obsession pour la Femme et les fleurs n’est-elle pas idéale pour incarner la volupté, le désir-plaisir, la liberté, le printemps… bref, la montée de sève ? »
Alors que l’interview glisse vers l’art engagé, cette virtuose du coupe-verre m’explique sa position : « sincèrement, à la base, pas vraiment. Je menais ma petite barque dans mon atelier sans spécialement chercher à rencontrer un public.
Ensuite, l’opportunité d’une expo s’est présentée et avec elle toute une réflexion sur la place de la femme dans la société. Constatation rapide d’un déséquilibre manifeste. L’univers carnassier dans lequel nous, les femmes, devons évoluer est parfois redoutable quand il s’agit de briser les codes encore largement masculo-centrés, de défendre notre Liberté, nos droits, nos choix, etc., etc. Vaste sujet, malheureusement.
Je ne sors ni le bâton pour autant, ni la carte du féminisme à tout prix, mais aujourd’hui lorsque je réalise un modèle, une autre dimension se greffe à l’exercice. J’essaie de ne pas tomber dans le piège — tellement bien rôdé — des diktats de la beauté dite “parfaite”, j’aspire à la mettre en lumière, l’exposer, la dévoiler sous des coutures variées et non selon un schéma trop lisse. »
Déterminée à proposer « des réalisations sans tomber dans la facilité ou la banalité » du thème, Stéphanie espère offrir une expérience : « amener évidemment un regard féminin, un peu de poésie, mais aussi de grivoiserie (on n’est pas là pour épiler des kiwis !). J’espère surtout que le visiteur s’amusera en découvrant certains détails, que le voyage “sur mesure” le bouscule, le surprenne, le fasse sourire et qu’il puisse s’étonner de cette autre facette du vitrail que celle qu’il rencontre habituellement.
Une petite frustration néanmoins : en montrer trop peu ! Le sujet est si tentant, si inspirant ! »
Bref ...
Ce qui est sûr, c’est que cette exposition promet d’être intéressante. Entourée d’artistes sensuel·le·s, courageux·euses et engagé·e·s, ce vernissage est une invitation à la réflexion, l’ouverture (d’esprit et de corps) et à la remise en question du regard, quelque soit son genre, sur le corps féminin.
Merci à Gilda Fêlée et Verres-tu d'avoir accepté de répondre à mes questions !